CRISE SISMIQUE DE CLANSAYES

Informations sur la crise sismique de Clansayes, Drôme

(décembre 2002 à mars 2003)

 

Comment la crise actuelle a débuté

Cette crise a débuté début décembre 2002 par des bruits - décrits comme des explosions - perçus par les habitants du lotissement des Grèses situé à 2,5 km au NNW du chef-lieu de Clansayes (Drôme). Ce lotissement comprend une vingtaine de villas. Une station sismologique dotée d'un vélocimètre et d'un modem téléphonique a été installée le 20 décembre au milieu du lotissement, dans le sous-sol d'une des villas. Cette station a permis de confirmer qu'il s'agissait bien de séismes. La plupart sont de très faible magnitude (voisine de 0). La plus forte secousse enregistrée a atteint la magnitude 2 (nuit de la Saint-Sylvestre) ; elle a été ressentie à Clansayes et Saint-Paul-Trois-Châteaux.

Identification de la zone active

Outre un décompte des différentes secousses et une estimation de leur magnitude, la station sismologique installée depuis le 20 décembre a permis une localisation très préliminaire des foyers des séismes. La zone la plus active est localisée à l'aplomb du lotissement. Les enregistrements obtenus montrent que l'écart de temps entre les deux ondes sismiques classiquement observées en sismologie (ondes P et S) n'est souvent que de 6 à 8 centièmes de secondes. Cette différence de temps est directement proportionnelle à la distance hypocentrale (distance entre la station et le foyer), ici de 400 m environ. Les foyers sont donc situés (au moins pour certains d'entre eux) à moins de 400 m de profondeur, ce qui est extrêmement proche de la surface. (Habituellement, les foyers des séismes se produisant en France sont situés vers 5 à 10 km de profondeur.)

Cause des séismes et des phénomènes sonores associés

Ces séismes sont liés au jeu d'une faille située en profondeur et non identifiée en surface sur les cartes géologiques. Chaque fois que cette faille coulisse, avec une surface de rupture d'extension limitée, un séisme se produit. Pour un séisme de magnitude 2, le coulissage est de l'ordre de 3 mm, la surface de rupture de l'ordre de 10 000 m². Cette faille affecte probablement les niveaux calcaires très rigides (et très cassants) du Jurasso-Crétacé.

Lors d'un séisme, des ondes sismiques élastiques sont émises dans toutes les directions à partir du foyer. Ces ondes se propagent dans les roches environnantes. Lorsqu'elles parviennent en surface, elles transmettent une partie de leur énergie à l'atmosphère et se convertissent en onde sonore. Ce phénomène ne peut être observé qu'à proximité immédiate de la source ; il est d'autant plus marqué que les magnitudes sont faibles, car ces séismes sont plus riches en hautes fréquences. Le cas présent où des séismes de faible magnitude ont leur foyer très en surface est très favorable à l'observation de ce phénomène sonore.

Autres crises sismiques dans le Tricastin

Le Tricastin est souvent le siège de crises sismiques. Il s'agit d'une succession de séismes se produisant de façon rapprochée dans le temps et dans l'espace. Ces crises durent plusieurs mois, voire plusieurs années. Elles comportent des périodes d'activité suivies de périodes de retour à la normale pouvant durer plusieurs mois. Au cours de la crise, des séismes de magnitude plus forte - que l'on peut estimer à 4 à 5 - sont susceptibles de provoquer des dégâts du type : fissuration des plafonds et des murs, renversement d'objets et de mobilier léger, chute de tuiles, effondrement de cheminées, etc. Dans le Tricastin, les secousses associées à ces crises sismiques sont toujours décrites comme accompagnées de bruits d'explosions, phénomène caractéristique d'un foyer très proche de la surface.

Une telle crise a eu lieu à proximité immédiate de Clansayes de juin 1772 à décembre 1773 (dégâts les plus importants à Clansayes, où le clocher de l'église a été abattu). Une autre, beaucoup mieux connue bien qu'elle n'ait occasionné que des dégâts moindres, a eu lieu d'octobre 1933 à août 1936. L'épicentre de cette crise est supposé se trouver au nord-est de la commune de La Garde-Adhémar (colline du Chabrelet, lieu-dit Le Creux Rouge). La crise de 1933-1936 a débuté par quelques secousses isolées en octobre, novembre, décembre 1933 et mars 1934, avant le déclenchement de la crise proprement dite en mai 1934 (dégâts légers à Roussas, Valaurie, La Garde-Adhémar, Chantemerle et aux Granges-Gontardes). De décembre 1934 à octobre 1935, rien n'est signalé dans les catalogues. L'activité a ensuite repris, avec un nouveau maximum entre février et mai 1936 (magnitudes de l'ordre de 3 à 3,5). Nota bene important : il existe aussi au moins un contre-exemple de crise avortée au bout de quelques semaines : décembre 1907-janvier 1908. D'autres phénomènes analogues (qui sont des non-événements) n'ont peut-être pas été répertoriés dans les archives.
Distribution chronologique de la crise du Tricastin de 1933-1936. Échelle de temps horizontale correspondant à 3 années environ. Les magnitudes sont très approximatives car la plupart de ces séismes n'ont pas été enregistrés par des stations sismologiques.

Installation d'un réseau de surveillance

En raison de ces précédents historiques et parce que les foyers sont extrêmement proches de la surface avec des habitations juste au-dessus, le Laboratoire de géophysique interne et tectonophysique (observatoire de Grenoble) a procédé, au cours du mois de janvier 2003, à l'installation de stations sismologiques au voisinage de la zone active :
  • le réseau de surveillance sismique Sismalp a installé onze autres stations dotées de vélocimètres courte période (2 Hz) dans un rayon de 2 km autour du lotissement (la station CLAN se trouve au centre du lotissement) ;
  • le réseau accélérométrique mobile (Ram) a installé quatre stations dotées d'accéléromètres, l'une à proximité de la zone active (COHR), les trois autres à La Garde-Adhémar (LGAR), St-Paul-Trois-Châteaux (SP3R) et Valaurie (VALR) ;
  • le réseau accélérométrique permanent (Rap) a installé à Clansayes une station accélérométrique reliée au réseau téléphonique (OGCL).

En outre, des prélévements d'eau sont désormais régulièrement effectués par les services municipaux de Clansayes à la source du Val des Nymphes située à 1,5 km au nord-ouest de la zone active. L'analyse des prélèvements est faite au LGIT. Comme la sismicité est très superficielle, il se peut que la concentration de certains éléments varie avant, pendant, ou après un séisme important.

Caractéristiques techniques du matériel utilisé

Les capteurs utilisés comportent trois composantes (verticale, nord-sud et est-ouest). Les vélocimètres détectent la vitesse du sol, les accéléromètres son accélération. Les premiers sont les plus sensibles et permettent la localisation très précise des foyers, même pour des séismes de faible magnitude. Les seconds ont pour but d'enregistrer sans saturer d'éventuelles secousses plus fortes ainsi que d'étudier des effets d'amplification dus aux conditions géologiques locales (effets de site).

Chaque station fonctionne de façon autonome et stocke des fenêtres de signal sismique lorsqu'un seuil est dépassé. Sur les dix-sept stations installées au total, quinze nécessitent des visites périodiques (une à deux fois par mois) pour procéder à des échanges de disques de stockage. Les deux autres sont reliées au réseau téléphonique et permettent donc une télésurveillance depuis l'observatoire de Grenoble.

Évolution de la crise sismique

Elle est impossible à prédire. La crise peut tout aussi bien s'arrêter ou persister encore plusieurs mois, voire plusieurs années (comme en 1933-1936). Le réseau de surveillance restera en place jusqu'en septembre.
Distribution chronologique de la crise actuelle. Échelle de temps horizontale correspondant à 4 mois environ. L'origine de l'échelle correspond à la date d'implantation de la première station vélocimétrique dans le lotissement des Grèses (20.12.2002).

 

Localisation préliminaire des séismes

Contrairement à ce que l'on pouvait penser initialement, les séismes ne se produisent pas uniquement sous les Grèses, même si c'est bien sous le lotissement que se trouve la zone la plus active. Il existe aussi une activité plus au nord-est, de l'autre côté de la D133, et surtout une zone plus diffuse qui se prolonge vers le SSE en direction du village de Clansayes. L'étude des enregistrements obtenus montre qu'il faut probablement raisonner non pas en terme d'une faille unique, mais de plusieurs segments de failles qui jouent avec des mécanismes différents. Depuis la mi-février, l'activité sismique a décru sensiblement.
Localisation des séismes entre début janvier 2003 et fin mars 2003. Le rayon des cercles est proportionnel à la magnitude.

 

Exemples d'enregistrements réalisés grâce au réseau local de surveillance

Séisme de magnitude 1,7 du 26 janvier à 22:06 (heure légale). L'épicentre de ce séisme était situé à une centaine de mètres à l'ouest du lotissement, avec un foyer à 300 m de profondeur. Chaque station a enregistré 3 sismogrammes notés Z, N et E (composante verticale, N-S et E-W). Les stations sont classées, du haut en bas du document, par distances épicentrales croissantes. L'onde sismique atteint les stations en moins de 5 dixièmes de secondes. Début de l'onde P à 21:06:40.5 UTC pour la station CLAN, située dans le lotissement ; à 21:06:40.9 UTC pour la station SALS, située au nord du col de la Justice. Le sol revient au repos au bout d'une dizaine de secondes.
Le document de gauche est présenté avec une normalisation des amplitudes de chaque sismogramme, alors que, sur celui de droite, l'échelle d'amplitude est la même pour tous les sismogrammes, faisant ainsi ressortir la décroissance très rapide des amplitudes en quelques kilomètres de distance.

Ci-contre, un zoom sur trois secondes pour la station CLAN, la plus proche du séisme. L'écart de temps entre l'onde P (début du sismogramme) et l'onde S (mieux visible sur les deux composantes N-S [CLANN] et E-W [CLANE]) n'est que de 4,5 centièmes de secondes, ce qui correspond à une distance foyer-station n'excédant pas 300 m.

 

Une curiosité : le séisme des Vosges du 22 février 2003 (magnitude 5,5) enregistré à Clansayes

L'échelle de temps est ici de 2 min.

La première onde sismique visible au début des sismogrammes (à 20:42:07 UTC) a traversé la croûte terrestre sous les Vosges, s'est propagée dans le manteau supérieur à une trentaine de kilomètres de profondeur avant de retraverser la croûte sous le Tricastin pour parvenir à la surface (onde Pn).

L'arrivée d'énergie bien identifiable à 20:42:23 UTC correspond à l'onde Pg qui s'est propagée dans la croûte uniquement.

L'onde Sg, qui est une onde de cisaillement (onde S) s'étant propagée dans la croûte, parvient à la station CLAN à 20:43:17 UTC. L'équivalent de l'onde Pn pour les ondes S (onde Sn) est ici difficile à identifier, environ 30 secondes avant l'onde Sg.

La différence de temps d'arrivée de 54 secondes entre l'onde Pg et l'onde Sg permet de calculer une distance épicentrale approximative : il suffit de multiplier cette différence de temps par 8,2, ce qui donne une distance épicentrale de l'ordre de 440 km. [Distance épicentrale réelle : 460 km.]

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Dernière mise à jour : 30 mars 2003