détermination des épisodes de subduction continentale pendant la collision

J’ai corrélé les résultats de la reconstruction avec la tomographie globale (collaboration avec Rob van der Hilst chercheur au MIT, puis avec Antonio Villaseñor, chercheur à Barcelone). Cette technique permet de suivre en profondeur dans le manteau, l’évolution de la géométrie du slab. En effet, le slab étant plus froid que le manteau environnant, il apparait comme une anomalie positive de vitesse sismique. Plus on s’enfonce dans le manteau, plus en remonte dans l’histoire de la collision, en visualisant la zone de subduction "fossilisée". L’intérêt de la reconstruction est alors d’avoir une reconstitution des limites des continents (en noir, Fig. 4) et de pouvoir corréler les grands changement dans la géométrie du slab (en bleu sur les coupes tomographiques) avec les grands changements en surface. Par exemple entre 600 et 900 km, la géométrie du slab change à l’est et elle est superposable le changement due à l’extrusion (Fig. 4). Entre 1500 et 1100km, la position du slab est stable, correspondant à la subduction océanique pré-collisionnelle. Elle est superposable avec la limite du dernier stade de la reconstruction, ce qui montre que nous avons bien pris en compte l’essentiel de la déformation asiatique.

Figure 4 (Replumaz et al., 2004) : corrélation de la limite des continents Inde-Asie (en noir), issue de la reconstruction,
avec la géométrie du slab, en bleu sur ces coupes tomographiques : en haut avant l’extrusion (coupe à 1100 km de profondeur), en bas après l’extrusion (coupe à 200 km)

Subductions continentales pendant la collision Inde/Asie

Les subductions continentales lors de la collision Inde/Asie sont un des mécanismes géodynamiques les moins bien contraints, alors qu’elles conditionnent l’absorption de la convergence au niveau du manteau lithosphérique. La tomographie globale permet d’imager ces subductions continentales. Au Nord/Ouest de la zone de collision Inde/Asie, on observe un slab indien vertical plongeant vers le nord jusqu’à 600km de profondeur, au contact d’un slab asiatique moins raide, qui plonge vers le sud jusqu’à 400 km seulement (Fig. 5). Cette géométrie très bien contrainte permet d’étudier un cas actuel de subduction continentale.

Figure 5 (Negredo et al., 2007) :
a/ sismicité du nord-ouest de la zone de collision, montrant deux zone de subduction en contact, une subduction asiatique, courbe et à pendage sud, et une subduction indienne, très étroite et à pendage nord.
b/ coupe tomographique perpendiculaire au slab indien, vertical jusqu’à 600 km de profondeur. c/ schéma simplifié de la géométrie des slabs.

Les anomalies tomographiques plus profondes ont été reliées à des épisodes de subduction continentale plus anciens (Replumaz et al., 2010a). Un bilan de la convergence absorbée pas ces subductions a pu être réalisé (Fig. 6). Ces travaux ont été réalisés en collaboration avec Ana Negredo, professeur à Madrid.

Figure 6 (Replumaz et al. 2010a) : a/ en pointillé noir : projection horizontale des anomalies tomographiques reliées à des morceaux de lithosphère indienne subductés au cours de la collision.
b/ position de ces morceaux sur le contour de l’Inde à l’initiation de l’indentation de l’Asie.

L’anomalie principale, IN, a été étudiée en détail. Nous avons pu estimer l’âge de l’épisode de subduction correspondant à cette anomalie, probablement entre 40 et 15 Ma (Figure 7). Cet épisode se termine par un déchirement progressif du slab, qui se propage d’ouest en est (Replumaz et al., 2010b).

Figure 7 (Replumaz et al. 2010b) : a/ coupes verticales montrant l’évolution géométrique d’Est en Ouest de l’anomalie tomographique IN
b/ évolution schématique de la subduction continentale correspondant à cette anomalie
c/ schema montrant le breakoff progressif du slab, et l’emprise de cette subduction sur le continent Indien

bilan de la déformation crustale

Un premier bilan de la déformation crustale, entre l’épaississement, l’extrusion, l’érosion et le recyclage dans le manteau, a été réalisé pour chaque bloc principal (Fig. 8). Ce travail a montré que environ 50% de la croûte Indienne a été recyclé dans le manteau, et seulement 3% de la croûte asiatique (Replumaz et al., 2010c).

Figure 8 (Replumaz et al., 2010c) : a/ géométrie actuelle des principaux blocs de la zone de collision Inde/Asie, Tibet, Indochine et Himalaya.
b/ géométrie des blocs à 45 Ma déduit de la tomographie du manteau.