Reconstruction de la déformation de la zone de collision Inde/Asie

J’ai entrepris de modéliser la déformation de la collision Inde-Asie, à partir de des mouvements sur les failles. L’hypothèse de départ que l’on teste est que ces failles délimitent des blocs crustaux ou lithosphériques dont le mouvement représente l’essentiel de la déformation continentale.

J’ai réalisé une reconstruction du mouvement de ces blocs à l’échelle de l’Asie sur toute la durée de la collision, équivalente au premier ordre à la tectonique de plaques des océans (Replumaz et Tapponnier, 2003). La reconstruction s’effectue par étapes temporelles successives correspondant à l’activation ou à l’arrêt d’une zone de faille majeure, qui modifie la cinématique d’ensemble. Le mouvement de l’Inde est déterminé à partir d’anomalies magnétiques du globe (Patriat et Achache, 1984), et permet de fixer la quantité de déformation à l’entrée du système. Ensuite les autres blocs sont placés pour être cohérent avec les données disponibles, principalement les vitesses et les déplacements finis estimés sur les failles bordières (e.g. Replumaz et al, 2001 ; Van Der Woerd et al, 1998 ; Gaudemer et al, 1995 ; Briais et al, 1993). Pour chaque étape temporelle, un pôle de rotation eulérien est déterminé pour chaque bloc à l’aide d’un logiciel de paléomagnétisme (Terra Mobilis). Un premier stade représente les blocs après rotation à la surface de la sphère (Figure 3). Le contour des blocs est alors restauré manuellement pour pouvoir continuer la reconstitution. Cette méthode permet de reculer dans le temps en intégrant au fur et à mesure les contraintes géologiques et cinématiques disponibles.

Figure 3 (Replumaz et Tapponnier, 2003) : 4ième étape de la reconstruction, mouvements des blocs entre 15 et 30 Ma

Cette étude a aussi permis de faire des bilans de la déformation continentale engendrée par le mouvement de l’Inde. En particulier j’ai mis au point une méthode pour estimer l’extrusion à chaque stade de la reconstruction. Ces bilans par étapes permettent de suivre l’évolution de la déformation et de faire des bilans sur la déformation totale. En moyenne l’épaississement est le mécanisme de déformation majoritaire, absorbant 70% de la convergence. Le processus d’extrusion absorbe pour sa part 30% de la convergence. Mais c’est un processus cyclique, qui peut absorber entre 10 et 60% de la convergence selon les étapes.

Cette technique de reconstitution quoiqu’encore qualitative et imparfaite, est un outil exceptionnel pour intégrer toutes les données tectoniques dans une synthèse à l’échelle du continent. C’est cette recherche de cohérence de l’ensemble qui fait la richesse de cette approche. Elle a permis de mettre en évidence des corrélations ou des incompatibilités insoupçonnées, comme par exemple l’existence de nouvelles failles indispensables d’un point de vue cinématique, de proposer des scénarios pour la période d’activité de certaines structures dont l’existence est connue, mais pas le rôle ni l’âge exact, et enfin de tester différentes possibilités d’évolution pour la zone de collision. C’est donc un outil de travail très riche permet de tester des hypothèses et aussi de susciter des idées de travail nouvelles.