LIBRIS Project (French)

Le Liban : un pays également divisé par les failles

Le Liban présente quelques particularités du point de vue du risque sismique. En effet, le pays est découpé par la faille du Levant qui, alors qu’elle pénètre sur le territoire libanais, se divise en trois branches majeures. La branche principale est répertoriée sous le nom de faille de Yammoûneh : elle découpe le Mont Liban du Nord au Sud ; A l’est se trouve le système de failles de Rachaya et Serghaya, qui elles découpent les contreforts de l’Anti Liban ; A l’ouest, un système de failles chevauchantes a été récemment découvert en mer : il se connecte à terre par deux rampes latérales décrochantes : la faille de Roum au sud, et la faille de Tripoli au nord. Toutes ces failles ont rompu lors du dernier millénaire, générant des séismes importants. Par ailleurs, la vulnérabilité de la société libanaise face aux séismes est accrue par un développement urbain extrêmement concentré le long de la bande littorale. Si la qualité des nouvelles constructions est acceptable, les anciennes habitations, souvent dégradées par les années de guerre civile, ont été construites selon des normes pour le moins inadéquates. C’est dans ce cadre que s’inscrit le projet LIBRIS, contribution à l’étude du risque sismique au Liban. Ce projet rassemble plusieurs laboratoires français et libanais dans un effort pluridisciplinaire pour estimer le risque sismique sur le sol libanais. Le projet se développe en 4 axes principaux : l’étude de la sismicité et des grandes structures profondes du Liban par les méthodes sismologiques ; l’étude de la déformation actuelle des grandes failles par les méthodes de la géodésie spatiale ; étude de la vulnérabilité physique et sociétale face aux séismes ; et enfin l’étude des grands séismes du passé par les méthodes de la paléosismologie et de la spéléosismologie.

Des sciences de la Terre à la psychologie cognitive

Le risque sismique intègre trois termes : l’aléa sismique ; la vulnérabilité ; la résilience. Les différentes disciplines des sciences de la Terre que sont la géodésie, la paléosismologie et la sismologie nous permettent d’estimer le taux de déformation actuel des failles principales, la récurrence des séismes passés, ainsi que le taux de sismicité actuel du Liban. La vulnérabilité se décline en plusieurs termes : physique (i.e. le bâti) elle est mesurée par les géographes via un inventaire exhaustif du bâti beyrouthin, complété par des mesures géophysiques sur les bâtiments ; Sociale, elle devient l’objet des sociologues qui analysent les réglementations ainsi que le jeu des différents acteurs ; Humaine, enfin, elle devient l’objet des psychologues qui vont chercher à déterminer le niveau de refoulement du risque sismique via des enquêtes cognitives ainsi que par des focus groups, c’est-à-dire une mise en situation d’un groupe d’étude. La résilience, définie comme la capacité de la société à faire face à la catastrophe, se situe au croisement de toutes les disciplines. L’ensemble des résultats attendus devra être intégré dans une approche probabiliste du risque sismique pour Beyrouth ; analyse elle-même à intégrer dans une approche régionale du risque sismique.

Le projet LIBRIS, qui s’attaque au problème du risque sismique, est donc par nature pluridisciplinaire. Il est coordonné par l’Institut des Sciences de la Terre à l’Université de Grenoble. Il associe du coté français : l’IPG de Paris, le laboratoire EDYTEM de Chambéry, le CETE Méditerranée, le cabinet Résonance SA ; et du coté libanais : le CNRS Liban, l’Université Saint-Joseph, l’Université Américaine de Beyrouth. Le projet a commencé en 2010 pour une durée de 48 mois. Il a bénéficié d’une aide de l’ANR Risk-Nat de 700 k€ pour un coût demandé de 820 k€. Le projet LIBRIS est également soutenu par l’IRD via son programme de Mission Longue Durée et d’Expatriation.

Les avancées du projet

Nous savons aujourd’hui que le Liban se déforme à une vitesse de 3-4 mm/an. Les principales failles ont rompu plus de 14 fois en 1200 ans, soit un séisme tous les 8 siècles. L’utilisation des spéléothèmes de façon statistique permet d’estimer les magnitudes associées à ces séismes. Nous savons désormais que la ville de Beyrouth est soumise à des effets de site liés à sa géologie particulière. Le déploiement de stations sismologiques permet la révision de la carte de sismicité du pays. L’inventaire du bâti se poursuit : la chute récente d’un bâtiment de Beyrouth souligne cruellement la nécessité de cette tâche longue et difficile. La réalisation des focus groups a révélé une situation de déni de la population face au risque sismique, accroissant ainsi la vulnérabilité de la société libanaise.

Production scientifique et brevets issus du projet

Nehme, Voisin, Mariscal et al. Speleogenesis of the Kanaan Cave (Lebanon) revisited by passive seismological imaging, International Journal of Speleology, 2013.

Corinne Lacave, Benjamin Sadier, Jean-Jacques Delannoy, Juan-José Egozcue, Contribution à la Caractérisation de l’Aléa Sismique du Liban par l’Etude des Spéléothèmes, Congrès de l’AFPS, 2011.

Michel, S., C. Cornou, E. Pathier, G. Ménard, M. Collombet, U. Kniess, P.-Y. Bard, B. Fruneau, 2010. May Subsidence Rate Serve as Proxy for Site Effects ? 2010 Annual Meeting of Seismological Society of America, Seismological Research Letters, 81, 2.

Brax M., M. Causse C., F. Cotton, P.-Y. Bard and A.-M. Duval (2010) “Prediction of the ground motion in
Lebanon by the empirical Green functions techniques and the ground motion prediction equations.”,
présentation orale à ESC 32nd General Assembly, Montpellier, France, sept. 6-10, 2010.

Beck E., Colbeau-Justin L., Cartier S., Saikali M., 2011 : Comportements de mobilité en cas de crise sismique à Beyrouth (Liban). 8ème Colloque National de l’AFPS, 6-8 novembre 2011, Paris.

Beck E., Colbeau-Justin L., Cartier S., Saikali M., 2011 : Risk perception, individual behaviours and social vulnerability to earthquakes in Beirut (Lebanon), UGI 2011, Regional Geographic Conference, 14th-18th November 2011, Santiago de Chili, Chili.

Zaarour R., Adjizian-Gérard J., Badaro-Saliba N., Voiron-Canicio C., Harb J., Gérard P.C., 2011 : Urban morphodynamics and seismic vulnerability of Beirut (Lebanon). UGI 2011, Regional Geographic Conference, 14th-18th November 2011, Santiago de Chili, Chili.

Cartier S. 2010 : « Sectorisation urbaine des vulnérabilités sismiques en Algérie et au Liban :
un paysage sinistre ou inquiétant ? » Colloque Ville et paysage au Maghreb, de la réflexion au projet, Hammamet , déc 2010, Actes en préparation, 20p.