Essaim de séismes Ubaye 2012

**Le début de la crise

Faisant suite à une très faible activité sismique pendant les heures qui l’ont précédé, un séisme de magnitude 4,3 a ébranlé la haute vallée de l’Ubaye (Alpes-de-Haute-Provence) et l’Embrunais (Hautes-Alpes) le 26 février à 23 h 38 min (heure légale). L’épicentre se situait à la limite des trois communes de Saint-Paul-sur-Ubaye (AHP), de La Condamine-Châtelard (AHP) et de Crévoux (HA), par 44°30’N et 6°40’E. La profondeur du foyer était de 9 km sous le niveau de la mer ; comme le relief culmine à cet endroit à près de 3 000 m (Montagne de Parpaillon), la profondeur par rapport à la surface était d’environ 12 km.

Le « mécanisme au foyer » a pu être calculé en utilisant les observations faites par une cinquantaine de stations sismologiques situées dans les Alpes françaises, suisses et italiennes. Ce mécanisme montre clairement que la faille qui a fonctionné lors de ce séisme est une faille dite « normale » d’orientation NNW–SSE qui a permis au compartiment tectonique situé à l’ouest (Barcelonnette) de s’affaisser d’environ 1 cm par rapport au compartiment situé à l’est (Saint-Paul).

**La sismicité de l’Ubaye

La haute vallée de l’Ubaye est l’une des zones les plus sismiques des Alpes françaises. En 1959, un séisme de magnitude 5,5 qui s’était produit à proximité de Saint-Paul (vraisemblablement à 6 km au nord du village), avait généré d’importants dégâts immobiliers et fait deux blessés. Ce séisme avait été suivi de répliques pendant plusieurs mois. Plus que des séismes violents tels que celui de 1959, l’Ubaye est plutôt coutumière de crises sismiques dites « en essaims » lors desquelles l’activité sismique se manifeste, en un lieu bien précis, pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, avec une succession de secousses de magnitudes variées, sans que l’on puisse être certain que la magnitude maximale ait été atteinte. Une telle crise en essaim a été ainsi observée sous La Condamine en 2003–2004 en travers de la vallée de l’Ubaye, avec plus de 16 000 séismes comptabilisés en 2 ans, dont 5 séismes de magnitude 2,5 à 2,7.

**L’essaim de 2012

Carte de sismicité de l’Ubaye (essaims de 2003-2004 et de 2012)
En blanc : essaim de 2003-2004 ; en rouge : essaim de 2012 ; en noir : les 20 séismes les plus récents (mi-mai 2012) ; en rouge bordé de blanc : séisme du 26 février 2012 ; triangles bleus : stations sismologiques les plus proches.

L’activité sismique enregistrée depuis février 2012 est importante : plus de 2 500 séismes détectés dans la zone couverte par la carte ; près de 1 200 ont été localisés ; près de 800 ont fait l’objet d’une localisation de précision. On recense au total plus de 150 séismes de M>1 ; plus de 20 séismes de M>2 ; 6 séismes de M>3 ; 1 séisme de M>4. Une cinquantaine de ces événements a pu être ressentie localement par la population.

Deux stations sismologiques temporaires transmettant leurs données à Grenoble ont été installées le 1er et le 10 mars à Tournoux (Saint-Paul) et à Sainte-Anne (La Condamine) pour renforcer la surveillance assurée par Sismalp. Un essaim analogue à celui de 2003–2004 a été activé par le séisme du 26 février. En blanc sur la carte : essaim de 2003–2004 ; en rouge : essaim de 2012 ; en rouge bordé de blanc : séisme de magnitude 4,3 du 26 février ; en noir : événements les plus récents ; triangles bleus : stations sismologiques les plus proches (Jausiers et Saint-Ours ; Tournoux et Sainte-Anne)

Cet essaim est cependant distinct du précédent : bien que situé dans le même alignement NW–SE, son orientation ne semble pas être tout à fait la même, et il ne fait que 5 km de long au lieu de 9. Le réseau de failles de l’essaim actuel est probablement plus complexe que celui de l’essaim précédent, comme le suggèrent la carte de localisation, les mécanismes au foyer, et aussi la façon dont des séismes de magnitude équivalente sont très différemment ressentis en un même lieu, alors que leurs foyers sont très proches.

L’activité de l’essaim s’est d’abord très rapidement propagée vers le sud dans les jours qui ont suivi le séisme de magnitude 4,3. Cette « migration » s’est ensuite considérablement ralentie, les séismes se concentrant alors sur les deux extrêmités nord et sud de l’essaim, avec l’activation probable de « failles conjuguées », perpendiculaires à l’essaim et d’orientation SW–NE. Jour après jour cependant, l’activité a continué à très lentement progresser vers le sud. Il est important de noter que la zone de la vallée du Parpaillon située au nord-ouest de La Condamine présente, entre Sainte-Anne et le Plan de la Malle Haute, une « lacune sismique » de 2 à 3 km de long, entre l’essaim de 2003–2004 et l’essaim actuel.

**L’évolution de la crise

Histogramme de l’essaim de séisme de l’Ubaye (2012)
Horizontalement : année 2012. En rouge (échelle de gauche) : nombre de séismes détectés quotidiennement. Les séismes localisés et pour lesquels on a pu déterminer une magnitude sont repérés par des disques de rayon proportionnel à la magnitude et positionnés en fonction de l’échelle de droite.

La sismicité de l’Ubaye est très capricieuse et il est impossible de prévoir le détail de l’évolution du présent essaim. Des séismes de magnitude supérieure à 2 se reproduiront très probablement dans le secteur actuellement actif au cours des semaines ou des mois à venir. Comme les foyers sont relativement profonds (7 km en moyenne), ils continueront à être ressentis de façon parfois désagréable jusqu’à Barcelonnette ou même Guillestre ; en revanche, si leur magnitude reste inférieure à 4 (ce qui est très probable), ils n’auront aucun effet dommageable sur les bâtiments.