Les variations latérales dans l’érosion de l’Himalaya sont contrôlées par la tectonique

L’Himalaya est la plus grande chaîne de montagnes sur Terre et l’une des plus actives. Des processus tectoniques très actifs (exprimés de façon dramatique par le séisme de Gorkha en 2015) et un climat de mousson vigoureux mènent ensemble à des processus d’érosion forts et souvent catastrophiques. Le facteur le plus important qui joue dans l’érosion et l’évolution du relief himalayen est sujet à débat : la tectonique ou le climat ?

Topographie de l’Himalaya du Népal, montrant les nouvelles âges traces de fission sur apatite (carrés ; la couleur indique la gamme d’âge) obtenues par cette étude le long de la rivière Karnali (Népal occidental) et comparés aux âges précédemment obtenus le long de la rivière Trisuli au Népal central (Robert et al. 2009). La puissance hydraulique, un indicateur du pouvoir d’incision, a également été calculée tous les 2 km pour ces deux rivières (cercles). La figure en haut à droite montre la position de la carte au sein de l’Himalaya. Les chevauchements himalayens majeurs (MCT : Main Central Thrust, MBT : Main Boundary Thrust ; MFT : Main Frontal Thrust) sont indiqués en blanc, les limites des deux bassins versant en noir. Les triangles noir et blanc indiquent les sommets >7000 et >8000 m, respectivement (D : Dhaulagiri ; A : Annapurna ; M : Manaslu).

Une réponse à cette question pourrait advenir de l’étude des variations latérales (est-ouest) de la topographie et de l’érosion de la chaîne, en les corrélant avec des variations latérales tectoniques ou climatiques. Une équipe d’ISTerre a ainsi étudié les différences dans les taux d’érosion et d’incision des rivières entre le Népal central (bassin versant de la Trisuli) et occidental (bassin versant de la Karnali). Le Népal central (où a eu lieu le séisme de Gorkha) a été étudié en détail depuis plus de 10 ans, et il est bien connu que le front du Haut Himalaya, avec ses multiples sommets dépassant les 8000 m., est caractérisé par des taux d’érosion très élevés, contrôlés par le soulèvement des roches himalayennes lorsqu’ils passent au-dessus d’une rampe dans l’interface avec la plaque indienne sous-jacente.

Des données géophysiques et géodésiques suggèrent qu’une telle rampe n’existe pas au Népal occidental et, en effet, le relief y est très différent, marqué par une absence de sommets plus hauts que 6500 m. par exemple. Néanmoins, aucune donnée permettant de contraindre les taux d’érosion dans cette partie lointaine et difficile d’accès de l’Himalaya n’existait auparavant. Les nouvelles données récoltées par l’équipe d’ISTerre, portant sur les taux d’incision des rivières et l’exhumation à long terme et publié ce mois-ci dans la revue Geology [1], montrent que les taux d’érosion sont plus faibles et moins focalisés au Népal occidental qu’au Népal central.

Ces données permettent donc de soutenir l’idée que c’est la tectonique, et plus spécifiquement la géométrie de l’interface entre la plaque indienne et l’Himalaya, qui est à l’origine des variations du relief et de l’érosion himalayens, alors que les variations climatiques répondent à ces variations.

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[1van der Beek, P.A., C. Litty, M. Baudin, J. Mercier, X. Robert, E. Hardwick, 2016, Contrasting tectonically-driven exhumation and incision patterns, western versus central Nepal Himalaya, Geology, 44, 327-330, doi : 10.1130/G37579.1.