L’aléa sismique équatorien à la carte
1906, 1942, 1958, 1979, 1987, 1996, 2016, la litanie des séismes destructeurs n’en finit jamais en Équateur. Faute de savoir prédire le moment où surviennent les catastrophes, les scientifiques s’emploient à en limiter les risques. Pour cela, ils ont établi une cartographie probabiliste de l’aléa sismique. « En somme, nous avons développé des modèles qui prédisent les séismes susceptibles de se produire, avec leur localisation, leur magnitude, les mouvements du sol qu’ils peuvent engendrer et la probabilité qu’ils surviennent dans une fenêtre temporelle future donnée », explique Céline Beauval, géophysicienne spécialiste de l’aléa sismique probabiliste à ISTerre. Ces travaux, qui mobilisent les compétences de disciplines scientifiques variées, sont menés avec l’Institut de géophysique de Quito en Équateur [1].
Aléa et risque
L’Équateur est un véritable haut-lieu de l’activité sismique. Sa côte longe la zone d’interface entre la plaque océanique Nazca et la plaque continentale sud-américaine. La première s’enfonce sous la seconde dans un mouvement rapide, estimé à environ 47 mm par an ! L’accumulation d’énergie associée à cette subduction se libère épisodiquement sous forme d’imprévisibles tremblements de terre entre 5, 10, 20 et 40 km de profondeur, au niveau de la zone de friction. La décharge de ces tensions peut aussi déclencher des séismes le long de failles crustales (dans la croûte terrestre) ou même dans la plaque océanique plongeante entre 50 et 200 km de profondeur.
Cet aléa élevé se traduit par de brusques mouvements du sol dont les amplitudes atteignent parfois des valeurs très fortes. Le risque sismique, relatif à la probabilité que les secousses produisent des dégâts matériels ou humains, est inhérent aux aménagements et à l’occupation du territoire. En effet, un séisme en plein désert ne provoque guère de tragédie. Mais il se trouve qu’en Équateur, les principales villes sont situées à proximité de zone dangereuses, bâties sur le corridor de failles crustales actives qui traverse le pays du golfe de Guayaquil à la Cordillère des Andes, comme Quito ou Riobamba, ou sur la côte pacifique près de la zone de subduction, comme Salinas, Manta et Esmeraldas. Mais une connaissance poussée de l’aléa peut permettre de limiter les risques.
Histoire, tectonique et modèles numériques
À partir des données de sismicité, de tectonique active et des mesures géodésiques, des modèles d’occurrence de séismes peuvent être proposés. Puis, pour chacun de ces potentiels séismes futurs, il est nécessaire d’estimer le mouvement du sol qu’il pourrait produire à la surface.
Ainsi, les cartes établies vont montrer – en termes d’accélération – non pas le séisme lui-même mais ses effets sur le sol. « Ces cartes d’aléa sismique représentent les accélérations du sol ayant une certaine probabilité d’être dépassées dans le futur (par exemple 10 % de probabilité sur les 50 prochaines années, ou une fois en moyenne tous les 475 ans) ; elles intègrent les effets de tous les séismes susceptibles de se produire », précise la scientifique.
Ces connaissances sont précieuses pour orienter les politiques d’urbanisation. Elles peuvent inciter à éviter de bâtir dans certaines zones trop exposées, ou plaider en faveur de normes antisismiques draconiennes là où c’est indispensable. Cette carte pourrait utilement être exploitée dans le cadre d’une réforme prochaine du code équatorien de la construction.
Contact scientifique
Céline Beauval, ISTerre
Article initialement publié par l’IRD.
[1] Celui-ci a un mandat officiel des autorités équatorienne pour déterminer les niveaux de l’aléa sismique, dont la connaissance est obligatoire partout dans le monde pour le dimensionnement des infrastructures ou des bâtiments importants.
[2] Le très puissant séisme de 1906, sur la côte équatorienne, a ainsi été détecté et localisé par les premiers sismographes installés dans le monde. Sa magnitude est actuellement estimée de l’ordre de 8,6. Celui de 1797, qui rasa Riobamba est abondamment documenté, en termes de bilan et de destruction, dans des écrits d’époque.
[3] Pour autant un séisme peut tout à fait se produire sur une faille active jusque-là méconnue et non cartographiée.