Minéralogie quantitative et phases désordonnées : aux limites de la diffraction des rayons X

contact : bruno.lanson ujf-grenoble.fr

Le principe :

La diffraction des rayons X représente une approche efficace pour quantifier les proportions des différents minéraux constituant une roche. Pour ce faire, il est nécessaire de reproduire le diffractogramme mesuré pour cette roche sur la base d’un modèle structural. L’ajustement entre données et modèle, réalisé à l’aide d’une méthode dite « Rietveld », du nom de son concepteur, permet ensuite de déterminer la nature des constituants élémentaires de l’échantillon (paramètres de maille), leur structure (nature et position des atomes constitutifs), ainsi que leurs proportions (cf. figures 1 et 2).

Le challenge scientifique :

Si la méthode Rietveld est parfaitement adaptée pour décrire la structure de phases cristallines tri-périodiques, elle peine par contre à rendre compte des diffractogrammes obtenus à partir de composés présentant d’importantes densités de défauts structuraux comme c’est souvent le cas pour les minéraux qui se forment en conditions de surface (argiles, oxyhydroxides …). Cette limitation, ainsi que l’incapacité générale des méthodes diffractométriques à prendre en compte les composés amorphes, a longtemps obéré l’usage de la diffraction des rayons X pour des applications de minéralogie quantitative. L’ubiquité et l’abondance naturelle des phases amorphes (matière organique, gels et colloïdes) ou défectueuses, au premier rang desquelles apparaissent les argiles, représentaient en effet un obstacle majeur.

L’ISTerre dans la course :

La prise en compte des minéraux argileux a été rendue possible par des développements théoriques et algorithmiques récents, alors que des méthodes de standardisation de l’intensité absolue diffractée autorisent l’estimation quantitative des fractions amorphes. Afin d’encourager les recherches dans ce domaine de la minéralogie quantitative, la Clay Minerals Society américaine a créé un Round-robin (comparaison inter-laboratoires) destiné à évaluer les pratiques des différents laboratoires. Depuis 2012, l’équipe « Minéralogie et Environnements » de l’ISTerre s’est impliquée dans cette action afin d’estimer sa capacité dans le domaine, avec des premiers résultats très encourageants (15e des 62 laboratoires ayant renvoyé des résultats). Un effort particulier est réalisé par Nathaniel Findling et Bruno Lanson pour essayer de combler les lacunes détectées lors de cet exercice (quantification des phases amorphes en particulier) mais également pour rendre cette approche accessible aux collègues grenoblois ou autres.

Nathaniel Findling, Ingénieur (UJF), gère les deux diffractomètres du laboratoire de RX. Il est expert dans l’analyse de phase quantitative en utilisant la diffraction des rayons X sur poudres.

Bruno Lanson, Directeur de Recherche (CNRS), est spécialiste de la structure des minéraux crypto-cristallins et de leur réactivité dans l’environnement.

La jouvence récente du laboratoire de rayons X de l’ISTerre a bénéficié du soutien financier de l’INSU, de l’OSU Grenoble (Labex OSUG@2020) et du laboratoire.

2014 est l’année internationale de la cristallographie

Fig 1. Couche de silice amorphe produite en surface d’olivine, (Mg,Fe)2SiO4, lors d’expériences de carbonatation. La quantification précise des matériaux amorphes dans un mélange de phases fait partie de nos objectifs. Image FE-SEM (Olivier Sissmann, ENS – IPGP - ISTerre).
Fig 2. Complexité des contributions des différentes espèces au diffractogramme de l’échantillon étudié
Fig 3. Contributions d’une phase mineure (pyrite présente à 2%) et des phases argileuses désordonnées (smectite et interstratifiés ilite-smectite totalisant 26%)