Quand les mathématiques aident à révéler les structures cachées de la croûte terrestre

Pour construire de telles images du sous-sol, on s’appuie sur l’acquisition de données sismiques grand angle : des stations sismiques placées sur le fond de mer enregistrent la propagation des ondes sismiques générées par des sources actives tractées par des bateaux. Ces données doivent ensuite être interprétées par une méthode d’imagerie sismique haute résolution : l’inversion des formes d’ondes. Cette étape est cependant difficile, notamment en raison du fort bruit dans les données sismiques enregistrées parfois à plus de 130 km de distance de la source, et à cause de la forte non-linéarité du problème mathématique sous-jacent. En pratique, une première estimation des propriétés du sous-sol doit d’abord être construite par des méthodes d’imagerie "conventionnelles" basée sur les temps d’arrivées, et qui permettent d’obtenir une image "floue" des structures. Cette étape requiert en général beaucoup de temps de traitement car il faut pointer "à la main" les temps d’arrivée des ondes directement dans les sismogrammes, ce qui exige temps et expertise d’identification. Pour certaines zones, ce pointé s’avère parfois très délicat et ambigu, et le résultat de tomographie sujet à caution.
Pour éviter cette première étape de tomographie des temps, nous avons proposé une reformulation de la méthode d’inversion des formes d’ondes, qui s’appuie sur un outil issu de recherches récentes en mathématiques : une distance de transport optimal. Cette distance est utilisée pour comparer les données sismiques enregistrées avec celles calculées pendant l’inversion des formes d’ondes. Les propriétés mathématiques de cette mesure de similitude de deux "objets" permettent de réduire significativement la non-linéarité de l’inversion des formes d’ondes. Cela permet ainsi de s’affranchir de la construction d’un modèle initial flou par tomographie des temps et donc des pointés.
Nous avons mis en œuvre cette stratégie pour l’inversion de données de stations sous-marines enregistrées dans le secteur de la fosse de Nankai, une zone de subduction située au large du Japon. Nos résultats montrent comment, en partant d’un modèle initial simpliste variant seulement avec la profondeur, nous pouvons produire une image haute résolution du sous-sol et expliquer les données observées avec grande précision.
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Crédit : Górszczyk et al. [2021], Figure 4
Référence
Andrzej Górszczyk, Romain Brossier, & Ludovic Métivier. : Graph-space optimal transport concept for time-domain full-waveform inversion of ocean-bottom seismometer data : Nankai Trough velocity structure reconstructed from a 1D model. Journal of Geophysical Research : Solid Earth, 2021. DOI
Contacts scientifiques
– Andrzej Górszczyk, ISTerre
– Romain Brossier, ISTerre
– Ludovic Métivier, ISTerre