Regard croisé sur deux thèses en minéralogie

Eleanor Bakker et Margarita Merkulova réalisent leurs doctorats à ISTerre dans l’équipe "Minéralogie et environnements", sur une même famille de minéraux, les silicates en feuillets, mais pour des applications bien différentes :

Morrow Plots, Historic Landmark, U. Illinois - Etats-Unis

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Eleanor s’intéresse à l’impact des pratiques culturales sur la minéralogie des sols et, en particulier, sur les minéraux qui contiennent du potassium. Le potassium est en effet un élément essentiel pour la croissance des plantes qui sont susceptibles de l’extraire des minéraux silicatés des sols pour couvrir leurs besoins. Eleanor étudie des échantillons de sols des Morrow Plots, une zone agricole expérimentale située dans la région des Grandes Plaines des États-Unis (Historic Landmark, U. Illinois). Les parcelles ont été établies au 19ème siècle et donnent accès à des échantillons couvrant 110 années de pratiques agricoles continues et bien documentées (espèces cultivées et rendements des cultures, historique de la fertilisation, etc.).

Plus précisément, Eleanor étudie les minéraux argileux, qui sont les plus réactifs dans le sol en raison de leur petite taille (<2 µm) et donc les plus susceptibles d’échanger chimiquement avec la solution du sol et donc les plantes. Pour caractériser la proportion de feuillets riches en potassium dans la structure des particules d’argile, Eleanor a recours à la diffraction des rayons X et interprète le signal obtenu à l’aide de modélisations. Alors qu’elle enquête principalement sur l’évolution de cette proportion dans un contexte historique (de 1904 à 2014), elle étudie parallèlement l’impact des pratiques culturales (monoculture, rotations de culture, amendements, …) pour mieux comprendre l’évolution de la minéralogie du sol en réponse aux pratiques culturales actuelles (variétés hybrides, engrais chimiques, …).

 


 Margarita travaille sur les processus minéralogiques dans la Terre profonde. L’objectif principal de ses recherches est de comprendre le rôle d’éléments comme le fer ou le soufre qui présentent plusieurs états d’oxydation (Fe2+ et Fe3+, ou encore S2- et S6+), sur la chimie des fluides qui sont produits lors de la déshydratation de silicates en feuillets (serpentines, chlorites). Dans les zones de subduction, la déshydratation des minéraux de la lithosphère océanique n’est pas seulement susceptible d’engendrer des séismes mais elle est aussi à l’origine d’un important volcanisme ainsi qu’à la formation de dépôts de minerais métallifères.

Pour ce faire, elle réalise des expériences de laboratoire aux conditions de pression et température rencontrées à environ 100 km de profondeur dans la Terre. Pour certaines catégories de zones de subduction, Margarita démontre une forte corrélation entre la profondeur de déshydratation de la serpentine (antigorite) – déduite de ses expériences – et la profondeur des foyers des principaux séismes déterminée par les sismologues.
La caractérisation des échantillons obtenus dont le volume ne dépasse pas un quart de cm3, est réalisée sur les grands instruments (synchrotron) grâce à des méthodes spectroscopiques sensibles à l’état redox des éléments ciblés (Fe, S).

Par cette approche, Margarita montre que les premiers fluides libérés dans les zones de subduction ont un caractère fortement oxydant qui est susceptible de favoriser la mobilité d’éléments tels que S, C, Sb, U, W.

Modèle de déshydratation dans le système antigorite-magnétite-pyrite en contexte de subduction : production de fluides aqueux (H2O) et oxydants (O2)