MasterClass #9 : Les nanoparticules naturelles, bonnes à tout faire

16 septembre 2024
Nous avons l’immense plaisir d’annoncer la neuvième Master Class Senior d’ISTerre dédiée à Laurent Charlet sur la thématique des nanoparticules naturelles, bonnes à tout faire. Elle se tiendra le 16 septembre 2024 à partir de 9h00 dans l’amphi Kilian. La présentation de Laurent sera suivie par une intervention de Jean-Pascal Feltz (VINCI Construction, Directeur Génie Civil Région SE), Alejandro Fernandez-Martinez (CNRS, ISTerre) et de Benjamin Gilbert, (Lawrence Berkeley National Laboratory, USA).
La Master Class sera combinée avec un symposium qui se poursuivra dans l’après-midi.

Les nanoparticules naturelles, bonnes à tout faire

Par Laurent Charlet, ISTerre

Au sein de la fine pellicule de la Terre où la vie se développe, dite « zone critique », les (nano)particules sont omniprésentes et se distinguent par le rôle clé joué par leur surface. On pourrait aisément mépriser ces particules (comme le laissent sous-entendre les mots tels que « vase », « boue », « dirt » et « dirty »), si elles n’avaient pas été très tôt utilisées par l’Homme pour s’exprimer artistiquement (peintures pariétales), s’abriter (bétons anciens), se soigner (cataplasme d’argile) et si la qualité de l’eau que nous buvons, l’abondance en éléments nutritifs que nous consommons ou le confinement de molécules tant indésirables (polluants, tels les prion, antibiotiques et résidus de l’énergie nucléaire) que désirables (comme l’hydrogène, notre futur carburant) n’étaient contrôlés par leur immense surface réactive. Quelle est la dynamique de ce « dirty » système et comment l’étudier ? En un quart de siècle, notre connaissance et notre compréhension de la géochimie à l’interface eau/particule ont grandement progressé, et permettent de détricoter ce qui est dû à des échanges d’électrons, à de l’attraction électrostatique ou à une adéquation structurale - similaire au « docking » utilisé pour le développement de nouveaux médicaments. On peut aujourd’hui cartographier à l’échelle moléculaire ce qui se passe à cette interface et en retrouver l’effet dans les variations de la qualité d’eau ou de la nourriture que nous consommons. Ces avancées ont nécessité de combiner des approches observationnelles, théoriques, expérimentales et numériques. L’équipe de géochimie d’ISTerre se distingue par ses compétences dans ces quatre approches.

Croyant profondément en la puissante confrontation entre problèmes sociétaux majeurs (telles certaines maladies induites par l’environnement) et la vision moléculaire des processus géochimiques impliqués, je suivrai le fil rouge des grands chantiers que nous avons réalisés à ISTerre, pour dresser le tableau de cette nano-bio-géochimie, du chemin parcouru et des défis à venir. J’introduirai cette partie scientifique par un aperçu du parcours d’un fils d’artistes.


De gauche à droite : molécule fixée sur une face (cas du prion) ou sur un coté (cas de l’arsenic) d’une argile, et exemple de maladie induite par l’environnement (la podoconiose)


La renaissance des bétons bas carbone

Par Jean-Pascal Feltz (VINCI Construction, Directeur Génie Civil Région SE) et Alejandro Fernandez-Martinez (CNRS, ISTerre)

Depuis toujours les Hommes ont construit des ouvrages pour se loger, simplifier leurs déplacements, retenir l’eau mais aussi se divertir ou afficher leur puissance. Au fil des siècles, les constructions ont été de plus en plus complexes et résistantes grâce à la réalisation d’ouvrages constitués de pierres et de mortiers avec, comme exemple, l’héritage des ouvrages romains. Le 20ème siècle a connu l’avènement du béton armé grâce à l’invention du ciment, liant révolutionnaire mais qui a un inconvénient majeur au vu des enjeux climatiques, sa fabrication nécessite une très forte consommation d’énergie et dégage énormément de CO2. Le domaine du bâtiment et des travaux publics est aujourd’hui le 2ème plus gros émetteur de carbone, avec 8% du total des émissions. En conséquence, la décarbonation des matériaux de construction est devenu un enjeu majeur pour les constructeurs. Les principaux axes de travail sont le recyclage par carbonatation et le réemploi des matériaux comme, par exemple, sur le chantier du creusement du tunnel sous les Alpes pour la liaison ferroviaire Lyon-Turin et le remplacement du ciment dans la fabrication des bétons par des liants, tels que les argiles, nécessitant de faibles énergies pour leur fabrication.

L’exposé de Jean-Pascal Feltz sera l’occasion de faire un point avec un industriel sur l’évolution de ces nouveaux bétons « bas carbone », leurs caractéristiques, les contraintes et freins à leur développement. Un objectif est d’atteindre 90% de béton « bas carbone » mis en œuvre d’ici 2030, et comme le montrent de nombreux exemples, nous sommes sur le bon chemin.

L’exposé d‘Alejandro Fernandez-Martinez explorera à l’échelle atomique les processus physiques et chimiques de cristallisation via la formation de précurseurs amorphes dans un ciment (Portland) en vue de son recyclage, une des méthodes permettant de diminuer l’emprunte carbone du béton en séquestrant le CO2 mais aussi en augmentant leur durabilité comme le prouve l’étude des bétons romains.


Béton bas carbone dans un parking grenoblois ou un barrage, et spectres PDF de la chaux pendant sa carbonatation à différentes températures


Couplage géo-bio-chimique-mécanique dans les sciences de la Terre et en toxicologie

Par Benjamin Gilbert, Lawrence Berkeley National Laboratory, USA

Les propriétés mécaniques des particules inorganiques et de leurs agrégats peuvent exercer une influence majeure sur la stabilité des sols, la déformation des roches et la toxicité des nanomatériaux artificiels et naturels. À l’échelle des cellules et des particules de sol à grain fin, les propriétés mécaniques sont déterminées à la fois par les propriétés intrinsèques des matériaux et par les interactions chimiques interfaciales avec l’eau, les ions solutés et les macromolécules. En outre, les échanges et les réactions chimiques peuvent faire évoluer la composition et la résistance de ces particules, ce qui entraîne un couplage étroit entre les processus géochimiques ou biochimiques et les propriétés mécaniques, d’où un comportement variable dans le temps. Cette présentation passera en revue les recherches antérieures et en cours qui ont permis d’identifier les rôles essentiels de ces processus couplés, ainsi que les défis et les orientations en matière d’observation et de description.


Fils d’argent nanométriques internalisés par une cellule de peau : les plus épais transpercent les organelles, alors que les plus fins sont mis en pelotes