Instabilité gravitaire - Les catastrophes du Granier

Sommaire :

 Avril-mai 2016
 L’éboulement du 9 janvier 2016
 La catastrophe de 1248 illustrée en bande dessinée par Jean-Yves Duhoo (magazine Spirou - 02/2013)


 Avril-mai 2016

Depuis le 28 avril, plusieurs éboulements se sont produits sur le versant Est du Mont Granier (reportage sur France 3 et article dans le Dauphiné Libéré). Après l’éboulement survenu début janvier sur le pilier Nord Ouest (voir ci-dessous dans la page), d’un volume d’environ 55 000 m3 (article dans le Dauphiné Libéré), les événements d’avril et mai 2016 concernent cette fois le pilier Nord Est.

Un de ces événements s’est produit alors que une équipe d’ISTerre était sur place pour un relevé photos en vue d’une reconstruction 3D. Cela a permis de filmer la quasi intégralité de l’éboulement, depuis le décrochement sommital, jusqu’à la propagation des blocs en pied de versant. Vidéo ci-dessous à visionner avec le son pour bien ressentir l’impression de puissance de ce phénomène.

film_granier_ISterre from David Amitrano on Vimeo.

Le plus gros éboulement de cette séquence a eu lieu samedi 7 mai à 8h32 sans provoquer de dégâts. Son volume, estimé à 50000 m3, est comparable à celui du pilier Nord-Ouest en janvier 2016 (article dans le Dauphiné Libéré). Il a été précédé par un autre éboulement plus petit à 8h30. Le document montre des photos prises avant et après les éboulements des 3 et 7 mai.
Ces éboulements ont également été enregistrés par les stations sismologiques du réseau Sismalp jusqu’à plus de 100 km du Granier. La figure ci-contre (PDF) montre les signaux sismiques de chaque éboulement enregistrés par les stations de l’Observatoire des Falaises du Saint-Eynard, à environ 27 km du Granier (mouvement du sol dans les 3 directions pour les 3 stations FOR, MOL et RES, filtré passe-haut à 1 Hz). Depuis le début de l’année 2016, 8 éboulements du Granier ont été détectés :

  • le 9 janvier à 3:57, de magnitude 2.2, avec un volume estimé par photogramétrie à 55 000 m3,
  • le 28 avril à 2:54, de magnitude 1.0
  • le 28 avril à 3:03, de magnitude 1.4
  • le 29 avril à 21:40, de magnitude 1.5,
  • le 30 avril à 07:47, de magnitude 1.5,
  • le 3 mai à 09:11, de magnitude 1.0,
  • le 7 mai à 08:30, de magnitude 1.5,
  • le 7 mai à 08:32, de magnitude 2.1.

Les deux événements du 28 avril n’ont pas été observés sur le terrain, mais la similarité des signaux avec les autres éboulements et la localisation de la source à proximité du Granier suggère que cet événement est aussi un éboulement. Les autres signaux correspondent à des observations sur le terrain. L’événement du 3 mai est celui qui a été filmé, le signal est très faible, car enregistré à plus de 25 km, et sort à peine du bruit. La magnitude du signal sismique permet une première estimation du volume éboulé. Une différence de magnitude de 1 correspond à un facteur 30 sur le volume. Si on utilise l’éboulement du 9 janvier comme référence (magnitude 2.2, volume de 55000 m3), l’éboulement du 7 mai est estimé à 42000 m3, et le plus petit éboulement détecté (3 mai, magnitude 1) aurait un volume d’environ 1000 m3. Les signaux sismiques montrent tous un départ peu impulsif, suivit environ 5 secondes après par des ondes de plus forte amplitude et plus basse fréquence. Les premières ondes correspondent probablement à la phase de détachement des blocs, et les plus fortes amplitudes à l’impact des blocs en pied de falaise, ce qui correspondrait à une hauteur de chute libre de 150 m.

Deux stations sismologiques ont été installées pour suivre l’activité du Granier. Une station à Chapareillan, une autre sur le plateau, avec un capteur sur une écaille instable et une autre sur le plateau. Ci-dessous la vidéo de l’installation.

Installation_7_juin_720p_2_1 from David Amitrano on Vimeo.

Les médias en parlent :
7 mai 2016 - Article dans le Dauphiné Libéré : 50000 m3 de roches sont tombés au mont Granier hier matin
4 mai 2016 - Reportage France 3 : L’éboulement du Granier filmé par un chercheur du laboratoire ISTerre de Grenoble
2 mai 2016 - Reportage France 3 : Le Mont Granier se comporte comme un volcan
30 avril 2016 - Article dans le Dauphiné Libéré : Nouveaux éboulements au Granier

En savoir plus : Zoom sur les éboulements du Mont Granier par la délégation Alpes du CNRS

Contacts : Agnès HELMSTETTER et David AMITRANO
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 L’éboulement du 9 janvier 2016

Photo avant/après l’éboulement

En fin de nuit, un éboulement spectaculaire a eu lieu près du Pilier Ouest du Mont Granier (article dans le Dauphiné Libéré. Cet événement majeur, tant par son ampleur que par sa rareté, a été enregistré par les réseaux sismologiques locaux et régionaux avec une magnitude équivalente à M=2.2.

Afin de connaître précisément la géométrie du volume éboulé, Gaëlle Le Roy, David Amitrano et Agnès Helmstetter ont reconstruit le relief avant et après éboulement. Un appel à contribution a permis de retrouver des photos du relief avant l’événement. Les progrès récents de photogrammétrie multi-vues ont permis d’exploiter ces images de qualité inégale afin de construire un modèle numérique 3D sans avoir fait de mesures spécifiques auparavant. Le modèle 3D après éboulement a été beaucoup plus facile à obtenir grâce à la profusion de clichés disponibles et aux clichés aériens réalisés par Julien Carcaillet et Arnaud Pêcher. Ainsi le volume érodé est estimé à 120 000 m3 (+/- 5%) soit 1,5 fois le volume de béton du viaduc de Millau. Cette valeur importante explique l’amplitude du signal sismique émis par cet éboulement et en fait un des plus importants recensés dans les Alpes récemment.

Différence des modèles 3D avant et après éboulement
Géométrie 3D du volume éboulé

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 


Merci à tous les contributeurs de cette première expérience de collecte de données collaborative à ISTerre. Cela a permis de remonter dans le passé pour mieux décrire l’éboulement, afin de mieux comprendre ce phénomène.

Signal sismique provoqué par l’éboulement - Observatoire des falaises du St Eynard (M=2.2)
Observatoire des falaises du St Eynard

 
 
 

Positionnement des photos utilisées pour la reconstruction 3D avant et après
Relation Magnitude sismique Volume pour différents éboulements

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Éboulements dans les falaises calcaires entourant la région grenobloise (Chartreuse et Vercors)

A partir de l’analyse des archives du service RTM38, on peut raisonnablement estimer que les éboulements de volume supérieur à 100 000 m3 (ou 0,1 hm3) survenus au cours des deux derniers siècles ont été recensés (RTM, 1996 ; Hantz et al., 2003). On en trouve seulement 4 :

  • Saint Bernard du Touvet, Grande Roche (juin 1826) : 20 hm2 (ou 20 ha) de bois recouverts, tous les affluents du Bresson obstrués.
  • Saint Ismier (17 au 22 mai 1867) : obstruction du torrent des Ecorchiers sur 700mx100mx10-40m, 10 barrages recouverts ou détruits.
  • Saint Paul de Varces, Charbonniers (16/04/1889) : estimé à 100 000 m3 (réplique de 20 000 m3 en 2007, dont la cicatrice est encore bien visible).
  • Saint Paul de Varces, Echarina (28/04/1988) : niche d’arrachement encore bien visible (visuellement et sur la carte IGN au 1/25000).

On peut en conclure qu’un tel volume est d’occurrence centennale à l’échelle d’un massif comme la Chartreuse ou le Vercors. Pour trouver des volumes plus gros (en Chartreuse-Vercors), il faut remonter plusieurs siècles en arrière :

  • A la fin du 17ème siècle, un éboulement aurait détruit le vieux village de Saint Paul de Varces (hameau "Les Ruines"). Un cône d’éboulis s’étend sur 150 hm2. Le volume serait donc de plusieurs hm3.
  • En 1248, s’est produit le glissement dit du Granier d’un volume de 500 hm3 (5.108 m3), constitué essentiellement de matériaux marneux, mais aussi d’environ 25 hm3 de calcaire issus de la face nord du Mont Granier (Nicoud et al., 1999), soit 250 fois plus que l’éboulement de janvier 2016. Ce glissement est le plus gros rapporté dans l’arc alpin pour les 2 derniers millénaires (il s’en est produit de plus gros depuis le retrait des glaciers würmiens).

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 La catastrophe de 1248

"La catastrophe du Granier est connue par des chroniques de l’époque, notamment celle d’un moine bénédictin, qui la décrivait comme une vengeance divine. La coulée de boue et de pierre a recouvert la vallée d’une couche de 10 à 40 mètres d’épaisseur, sur une longueur de 9 kilomètres."

Dans le numéro de Spirou du 20 février (n°3906), Jean-Yves Duhoo s’intéresse aux instabilités gravitaires et questionne des chercheurs d’ISTerre dans "le labo", rubrique qui présente sous forme de bandes dessinées des questions scientifiques dans le cadre d’un laboratoire.

A ISTerre, le dessinateur a croqué certains chercheurs du laboratoire avec dextérité... tout en intéressant les lecteurs de Spirou à nos travaux en cours sur la compréhension des mouvements de terrain...

Voir la bande dessinée (PDF) :

Jean-Yves Duhoo, magazine Spirou février 2013 n°3906
Jean-Yves Duhoo, magazine Spirou février 2013 n°3906

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