Des tremblements de terre au laboratoire, ou comment je me suis mis à aimer la minéralogie

Alexandre SCHUBNEL, Laboratoire de Géologie, ENS Paris | 4 décembre 2014

 Suite à un problème technique, ce séminaire n’a pas été enregistré en vidéo. Veuillez nous en excuser.

La répartition de l’énergie libérée pendant un séisme reste un problème fondamental en Sismologie. En effet, si le budget énergétique est simple a priori, l’interprétation des sismogrammes pour déduire l’énergie de fracture et l’énergie rayonnée est difficile, et rarement non-équivoque alors que les mesures sur le terrain de l’énergie dissipée par friction sont rares, voire inexistantes. Les modèles expérimentaux peuvent donc être utiles à une meilleure compréhension des processus ayant cours pendant la propagation sismique. Je montrerai deux exemples opposés où un couplage minéralogique « dynamique », c’est à dire actif aux échelles de temps mises en jeu par la propagation dynamique d’une fracture, joue un rôle fondamental dans la résistance au frottement au cours du glissement sismique. C’est d’abord le cas des les tremblements profonds (400-700km) qui ont lieu dans des conditions extrêmes (sn 1-20 GPa, T 1200C, faibles contraintes déviatoriques). Nos études sur la transformation olivine-spinelle ont montré que la nucléation de la phase spinelle pouvait s’accompagner de propagation dynamique de fissures, dans une gamme de pression – température limitée, où l’olivine est fortement métastable (forte pression), et où la cinétique de la transformation est très lente (faible température). La réaction est une source de chaleur importante qui permet l’auto-entretien de la réaction, et le glissement, car l’affaiblissement est lié à la nucléation de nano-grains, qui semblent pouvoir se déformer de manière « superplastique », même aux échelles de temps sismiques. Je montrerai ensuite des résultats récents de séismes de laboratoire de magnitude Mw=-3 dans la serpentine. Dans ce cas, l’échauffement frictionnel généré au cours de la propagation sismique est capable de déclencher la déshydratation minérale de manière quasi instantanée. Cette dernière joue un rôle mécanique au cours du glissement, car elle limite l’élévation de température co-sismique. Enfin, elle représente surtout une source abondante de fluides, ce qui facilite la lubrification. En ce sens, la déshydratation est une source de travail non-négligeable dans le bilan énergétique sismique, ce qui pourrait, par exemple, expliquer l’existence de glissement important dans des zones où les contraintes sont initialement très faibles, comme dans le cas du séisme de Tohoku-Oki.

 Version PDF