Séisme du 16 avril 2016 de magnitude 7.8 en Equateur

Le séisme de magnitude 7.8 survenu le 16 avril 2016 en Equateur est un séisme de subduction interface. La plaque océanique Nazca plonge sous la plaque Amérique du Sud à une vitesse moyenne de 5 cm/an. Les cartes de couplage établies avant le séisme de 2016 (Chlieh et al. 2014 ; Nocquet et al. 2014) montrent qu’il se situe au niveau d’une zone fortement couplée de l’interface sismogène entre les deux plaques. Le séisme s’est produit à l’intérieur de la grande zone de rupture du séisme de 1906 (Mw 8.8) qui avait partiellement rompu à nouveau en 1942 (Mw 7.8), 1958 (Mw 7.7) et 1979 (Mw 8.1). Ce séisme se serait produit entre les zones de rupture estimées pour les séismes de 1942 et 1958 (https://sites.google.com/site/cellulepostsismique/ et http://www.insu.cnrs.fr/node/5775).

Les chercheurs d’ISTerre travaillent avec les collègues équatoriens de l’Instituto Geofísico (Escuela Politecnica Nacional, Quito) et Géoazur sur les thématiques liées à la tectonique active (3,4,5), la géodynamique (14), la géophysique de sub-surface, la tomographie (2), la sismicité historique (7, 8), l’atténuation du mouvement du sol, l’estimation de l’aléa sismique probabiliste (6, 14), et la vulnérabilité du bâti.

En Equateur, la sismicité historique apporte des informations sur les séismes passés depuis le milieu du 16ème siècle (Fig. 1, Beauval et al. 2010 et 2013). Cependant, pour des raisons de peuplement et de conservation des documents, les premières informations portant sur des séismes dans la zone de subduction apparaissent seulement à la fin du XIXème siècle (Egred 2009). L’historique des séismes sur l’interface de subduction n’est que d’environ 120 ans. Le premier séisme du catalogue historique ayant occasionné des dégâts dans la zone impactée par le séisme du 16 avril est celui de 1906 d’Esmeraldas.

Le modèle de source utilisé dans le calcul d’aléa sismique probabiliste propose une partition de l’interface de subduction en trois segments : Esmeraldas, Bahia, et Talara (Fig. 2, Yepes et al. 2016). La zone d’Esmeraldas fortement couplée est définie par le plan de rupture du méga séisme de 1906, d’environ 500km de long. Le plan de rupture du séisme du 16 avril appartient à cette zone source, la répartition des répliques est en accord avec la limite sud proposée pour cette zone (Fig. 3). La zone Bahia inclut la BEZ (Bahia Earthquake Zone, incluant les plans de rupture des séismes de 1896, 1956 Mw7.0 et 1998 Mw7.1) et l’aspérité fortement couplée de l’île de La Plata. La zone Talara, très faiblement couplée, s’étend de la ride de Grijalva au Nord Pérou.

L’estimation de l’aléa sismique probabiliste repose également sur un modèle de prédiction du mouvement du sol (Beauval et al. 2014). Deux modèles sont actuellement utilisés, un modèle global basé sur des enregistrements dans diverses zones de subduction (Japon, Taiwan, Mexique, Pérou ; Abrahamson et al. 2015) et un modèle japonais (Zhao et al. 2006). Les enregistrements du séisme du 16 avril et de ses répliques vont permettre de comprendre si l’atténuation du mouvement du sol avec la distance au plan de rupture prédite par ces modèles est adaptée au contexte équatorien. Les observations en intensité permettront également de tester les équations d’atténuation en intensité établies à partir des séismes interface passés (Keller 2014).

Les cartes d’aléa sismique estimées en 2011 (Fig. 4) ont été utilisées pour établir le nouveau code de la construction (Norma Ecuatoriana de la Construccion, NEC). Cet aléa doit être ré-évalué pour intégrer les résultats obtenus depuis 2011 : le nouveau zonage sismotectonique proposé par Yepes et al. (2016), les améliorations des catalogues internationaux (ISC et ISC-GEM), les avancées en tectonique active (Alvarado et al. 2014, 2016) et modèles géodésiques (Nocquet et al. 2014), ainsi que les équations de prédiction du mouvement du sol récemment publiées basées sur un plus grand nombre de données accélérométriques (NGA 2014 ; RESORCE 2014 et Abrahamson et al. 2015 pour la subduction).

Les accélérations enregistrées sur la côte ont atteint par endroit des valeurs supérieures à l’accélération de la gravité terrestre, générant un déplacement du sol de l’ordre de 30 cm horizontalement. Le séisme a été ressenti dans une grande région jusqu’à Quito la capitale économique et politique de l’Equateur située à environ 150km de l’épicentre. Les effets de site du bassin (Guéguen et al., 2000 ; Alfonso-Naya et al. 2012) ont amplifié les vibrations, ces dernières ayant été ressenties par la population, sans générer de dommages. Depuis 2013, le bâtiment de l’Instituto Geofisico est instrumenté de façon permanente. L’accéléromètre au sommet a enregistré une vibration de plus de 2 minutes et l’analyse des enregistrements nous permet de comprendre son comportement au cours de la sollicitation.

Figure 1 - Catalogue de sismicité 1541-2009 et localisation du séisme du 16 avril 2016 (étoile rouge) - Beauval et al. 2010 et 2013
Alors que dans la Cordillère, la sismicité historique renseigne sur près de 5 siècles, sur la côte il n’y a quasiment pas d’information avant le XXème siècle.
Figure 2 - Segmentation de la zone de subduction interface définissant les zones sources utilisées dans le calcul de l’aléa sismique probabiliste en Equateur - Yepes et al. 2016
Figure 3 - Distribution des répliques - H. Yepes, 3/05/2016

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Figure 4 - Carte d’aléa sismique probabiliste, PGA (g) à 457 ans, modèle moyen 2011 - Beauval et al. 2014
Figure 5 - Comparaison des PGA, enregistrés sur 51 stations accélérométriques du réseau national accélérométrique équatorien (RENAC, http://www.igepn.edu.ec/red-nacional-de-acelerografos), avec les prédictions du modèle Abrahamson et al. 2015 (Source : A. Laurendeau, J. Marinière, C. Beauval).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Figure 6 - Accélérations du mouvement du sol enregistrées par le réseau national équatorien et les déplacements associés
Figure 7 - Mouvement au sommet du bâtiment de l’IG et évolution de sa réponse (en fréquence de résonance) au cours de la sollicitation produite par le choc principal dans ses deux directions principales

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


***Contacts :

Céline Beauval (celine.beauval ird.fr)
Laurence Audin (laurence.audin ird.fr)
Philippe Guéguen (philippe.gueguen univ-grenoble-alpes.fr)

***Partenaire en Equateur :

Institut de Géophysique, Escuela Politecnica Nacional, Quito, http://www.igepn.edu.ec/
Contacts : Alexandra Alvarado (aalvarado igepn.edu.ec), Hugo Yepes (hyepes igepn.edu.ec), Matthieu Perrault (mperrault igepn.edu.ec), Aurore Laurendeau (alaurendeau igepn.edu.ec)

Laboratoire Mixte International de l’IRD "Séismes et Volcans dans les Andes du Nord"
UMR Géoazur, LMV et ISTerre

***Références :

(1) Alfonso-Naya V, Courboulex F, Bonilla LF, Ruiz M, Vallée M, Yépes H (2012) : A large earthquake in Quito (Ecuador) : ground motion simulations and site effects. 15th World Conference on Earthquake Engineering, Lisbon, Portugal, #4475, 10 pages.
(2) Araujo S. Earthquakes Localization in a 3D Model and Multiscale Tomography : Applications to Ecuador and North Peru regions, thèse de l’université Grenoble Alpes, soutenance prévue à l’été 2016.
(3) Alvarado, A., L. Audin, J. M. Nocquet, E. Jaillard, P. Mothes, P. Jarrín, M. Segovia, F. Rolandone, and D. Cisneros (2016), Partitioning of oblique convergence in the northern Andes subduction zone : migration history and present-day boundary of the North Andean Sliver in Ecuador, Tectonics, 35, doi:10.1002/2016TC004117.
(4) Alvarado, A., L. Audin, J. M. Nocquet, M. Segovia, Y. Font, G. Lamarque, H. Yepes, P. Mothes, F. Rolandone, and P. Jarrin (2014). Active tectonics in Quito, Ecuador, assessed by geomorphological studies, GPS data, and crustal seismicity, Tectonics, doi : 10.1002/2012TC003224.
(5) Baize, S., Audin, L., Winter, T., Alvarado, A., Pilatasig Moreno, L., Taipe, M., Reyes, P., Kauffman, P. and Yepes, H. (2014), Paleoseismology and tectonic geomorphology of the Pallatanga fault (Central Ecuador), a major structure of the South-American crust, Geomorphology, 1–15, doi:10.1016/j.geomorph.2014.02.030.
(6) Beauval C., H. Yepes, L. Audin, A. Alvarado, J-M. Nocquet, D. Monelli, and L. Danciu (2014). Probabilistic seismic hazard assessment in Quito, estimates and uncertainties, Seismological Research Letter, 85, 6, doi : 10.1785/0220140036
(7) Beauval C., H. Yepes, P. Palacios, M. Segovia, A. Alvarado, Y. Font, J. Aguilar, L. Troncoso, and S. Vaca (2013). An earthquake catalog for seismic hazard assessment in Ecuador, Bull. Seism. Soc. Am., v. 103, p. 773-786, doi:10.1785/0120120270
(8) Beauval C., H. Yepes, W. Bakun, J. Egred, A. Alvarado and J-C. Singaucho (2010). Locations and magnitudes of historical earthquakes in the Sierra of Ecuador (1587-1996), Geophys. J. Int., DOI : 10.1111/j.1365-246X.2010.04569.x
(9) Chlieh, M., Mothes, P. A., Nocquet, J. M., Jarrin, P., Charvis, P., Cisneros, D., Font, Y., Collot, J.-Y., Villegas-Lanza, J. C., Rolandone, F., Vallée, M., et al. (2014), Distribution of discrete seismic asperities and aseismic slip along the Ecuadorian megathrust, Earth and Planetary Science Letters, 400(C), 292–301, doi:10.1016/j.epsl.2014.05.027.
(10) Egred, J., 2009b. Catalogo de terremotos del Ecuador 1541–2009, Escuela Politecnica Nacional, Instituto Geofisico, Internal Report.
(11) Guéguen P., Chatelain J.-L., Guillier B., Yepes H. 2000. An indication of the soil topmost layer response in Quito(Ecuador) using H/V spectral ratio, Soil Dynamics and Earthquake Engineering, 19, 127-133. doi:10.1016/S0267-7261(99)00035-4
(12) Keller E. (2014). Caractérisation de séismes historiques, application sur un grand séisme de subduction en Equateur, rapport de stage ingénieur ENSTA Bretagne, 42p.
(13) Nocquet JM, JC Villegas-Lanza, M. Chlieh, P. Mothes, F. Rolandone, P. Jarrin, D. Cisneros, A. Alvarado, L. Audin, F. Bondoux, X. Martin, Y. Font, M. Regnier, M. Vallee, D.T. Tran, C. Beauval, J. Maguiña Mendoza, W. Martinez, H. Tavera, and H. Yepes (2014). Continental slivers motion and creeping subduction in the Northern Andes, Nature Geoscience, v. 7, 4, p. 287-291.
(14) Yepes H., L. Audin, A. Alvarado, C. Beauval, J. Aguilar, Y. Font and F. Cotton. A new view of Ecuador’s geodynamic context and its implications for seismogenic sources definition and seismic hazard assessment, Tectonics, 35, doi:10.1002/2015TC003941.