Les structures des minéraux sont-elles vraiment ordonnées ?
Article INSU

Dans des travaux récents, nous avons montré qu’une voie de nucléation médiée par des particules est en fait imprimée dans les cristaux de CaSO4. Cette propriété nous donne l’occasion unique de rechercher des preuves de voies de nucléation non classiques dans les environnements géologiques.
Des chercheurs [1] ont utilisé des cristaux d’anhydrite (CaSO4) bien formés, extraits de la mine de Naica au Mexique, qui se sont développés pendant des millénaires dans des conditions proches de l’équilibre, offrant ainsi un laboratoire naturel unique pour étudier la voie de cristallisation. Ils ont élucidé l’histoire de la croissance de ce minéral en cartographiant sa structure interne à l’aide d’une combinaison de techniques microscopiques et de diffusion des rayons X avancées. Ces analyses ont révélé que les défauts d’alignement à l’échelle nanométrique se propagent sur des échelles de longueur, entraînant finalement la formation de cristaux d’anhydrite mésostructurés de taille centimétrique contenant des vides anisotropes de différentes tailles. Ils montrent que ces défauts proviennent de la voie de nucléation médiée par les particules et créent ce que l’on appelle des "graines d’imperfection", qui conduisent à un cristal "unique" macroscopique dont les fragments ne s’emboîtent pas de manière autosimilaire à différentes échelles de longueur. Ces résultats complètent le concept récent de nucléation non-classique avec notre vision de longue date de la structure cristalline. En bref, la construction d’un cristal pourrait ainsi être considérée comme la nature empilant des blocs dans un jeu de Tetris, tout en oubliant lentement le concept de base du jeu et en ne parvenant pas à remplir complètement les rangées.

Référence
Tomasz M. Stawski, Glen J. Smales, Ernesto Scoppola, Diwaker Jha, Luiz F. G. Morales, Alicia Moya, Richard Wirth, Brian R. Pauw, Franziska Emmerling, Alexander E. S. Van Driessche, Seeds of imperfection rule the mesocrystalline disorder in natural anhydrite single crystals, Proceedings of the National Academy of Sciences
DOI : https://doi.org/10.1073/pnas.2111213118
Contact scientifique local
– Alexander E.S. Van Driessche, ISTerre, ISTerre / OSUG
Cet article a été publié initialement publié par le CNRS
[1] Ce travail a été initié et mené conjointement par des chercheurs d’ISTerre (CNRS, UGA) et de BAM (Berlin, Allemagne) en collaboration avec des chercheurs du MPI (Potsdam, Allemagne), du GFZ Potsdam (Allemagne) et de l’ETZ (Zürich, Suisse).