Observations sur la naissance des cristaux

Une équipe de chercheurs de l’Institut des Sciences de la Terre, de l’Université de Bruxelles et de l’Université de Technologie d’Eindhoven a découvert les détails moléculaires de la sélection polymorphe des cristaux de macromolécules. Leurs travaux ont été publiés dans Nature le 5 avril 2018.

Produire des cristaux de macromolécules - une étape nécessaire pour comprendre la structure des protéines, les briques de la vie - peut être atrocement difficile. C’est parce que nous ne comprenons toujours pas complètement comment un cristal est "né". Il est bien connu que les cristaux se forment à travers le groupement spontané de molécules, en adoptant une structure périodique en trois dimensions, mais comment exactement les molécules réalisent cet exploit est encore un mystère.

Pour ajouter plus de complexité au problème, une seule molécule peut également s’organiser en différentes structures cristallines, appelées polymorphes. Ces polymorphes ont généralement des propriétés physiques différentes, ce qui peut avoir un effet profond sur les caractéristiques finales du matériau formé. Pour les cristaux de protéines, les polymorphes sont importants car ils auront, entre autres, des vitesses de dissolution différentes, ce qui est pertinent pour les applications de délivrance de médicaments.

Actuellement, contrôler le processus de cristallisation pour obtenir le polymorphe de choix est difficile parce que les mécanismes sous-jacents à la sélection polymorphe sont encore peu clairs. En utilisant une cryo-microscopie électronique à transmission, cette équipe interdisciplinaire a réussi à imaginer la "naissance" des cristaux de protéines avec une résolution moléculaire, découvrant un processus hiérarchique plutôt complexe qui implique différentes étapes d’auto-assemblage à des échelles de longueur croissante.

Ces observations sont les premières en leur genre et fournissent une nouvelle façon d’obtenir des informations sur les processus d’auto-assemblage des macromolécules en structures plus grandes. Mais, l’équipe est allée plus loin et a cartographié les voies de nucléation de plusieurs polymorphes. Ils ont montré que la sélection polymorphe est dictée par l’architecture des plus petits fragments possibles formés au début du processus de cristallisation. Une fois cette structure précurseur est formée, le résultat du processus est décidé.

Modèle pour la sélection polymorphe des cristaux de protéines (glucose isomerase). Une forte interaction anisotrope entre les molécules protéiques (en haut à gauche), conduit à la formation de nanotiges. Lorsqu’il existe un équilibre entre les interactions isotropes et anisotropes (en bas à gauche), les molécules protéiques suivent une voie de nucléation directe vers le polymorphe 2. À la force d’attraction isotrope moyenne (en bas à droite), les fibres sont formées qui agissent comme des précurseurs des réseaux de polymorphes 1 ou de fibres de gel. Une forte attraction d’appauvrissement isotrope (en haut à droite) favorise l’agrégation des protéines dans un réseau de gel ramifié
Crédits : A.E.S. Van Driessche et al.

En analysant et en comprenant les différences de structure des différents noyaux, les auteurs ont développé des stratégies pour guider le processus de sélection polymorphe. Ceci a été réalisé en accordant, par mutagenèse dirigée, les différents modes d’interaction qui existent entre les macromolécules, et ainsi "poussant" le résultat du processus de nucléation dans un sens ou dans un autre.

En un mot, ces découvertes font progresser considérablement notre compréhension fondamentale de la nucléation et de la sélection polymorphe. Ces connaissances sont non seulement pertinentes pour les macromolécules, mais peuvent également être traduites en d’autres substances qui forment des cristaux (tels que des composés pharmaceutiques ou des solides inorganiques d’intérêt industriel). En outre, la méthodologie expérimentale développée pour cette étude ouvre une nouvelle voie pour suivre les processus d’auto-assemblage des protéines impliquées dans divers troubles pathologiques, tels que la séparation liquide-liquide dans la formation de la cataracte oculaire ou la formation de fibres amyloïdes associées à une gamme de troubles neurologiques.


Cette actualité a également été relayée par
> la revue Nature
> l’Institut des Sciences de l’Univers (INSU)

 Source
Alexander E. S. Van Driessche, Nani Van Gerven, Paul H. H. Bomans, Rick R. M. Joosten, Heiner Friedrich, David Gil-Carton, Nico A. J. M. Sommerdijk & Mike Sleutel, Molecular nucleation mechanisms and control strategies for crystal polymorph selection, Nature 556, 89-94, 5 avril 2018, doi : 10.1038/nature25971.

 Contact scientifique local
Alexander Van Driessche