Sur les traces des paléo-avalanches andines dans la cordillère Blanche au Pérou

Bloc de granite dont la niche d’écroulement est visible sur le sommet nord de Huascaran © B. Lehmann
Les Andes tropicales sont fortement affectées par le dérèglement climatique qui s’exprime par un recul de la cryosphère et la dégradation des conditions de permafrost. Cette évolution thermo-mécanique des massifs montagneux conduit à un accroissement significatif de l’aléa gravitaire en haute montagne et dans les vallées adjacentes.

Les archives historiques montrent que les vallées des Andes péruviennes ont subies, lors du siècle dernier, de graves catastrophes naturelles entrainant plusieurs dizaines de milliers de victimes, notamment dans la Cordillère Blanche lors des catastrophes de Huaraz (1941), Ranrahirca (1962) et Yunguay (1970). L’ensemble de ces évènements est lié à la proximité immédiate des centres urbains à des reliefs extrêmement importants dont les massifs sont en cours de transition en raison du dérèglement climatique. De plus, la sismicité régionale contribue au déclenchement des processus instables tels que les avalanches neigeuses, les avalanches et écroulements roche-glace, les glissements de terrain ainsi que les crues d’origine glaciaire (glacial lake outburst flood).

Une équipe d’ISTerre (Swann Zerathe / IRD, Benjamin Lehmann et Julien Carcaillet / CNRS) a amorcé un projet portant sur l’étude spatio-temporelle de ces avalanches extrêmes dans la Vallée du Rio Santa située entre les Cordillères Noires et Blanches. Ce travail est réalisé en collaboration avec les instituts péruviens INGEMMET(Instituto Geológico, Minero y Metalúrgico) et INAIGEM (Instituto Nacional de Investigación en Glaciares y Ecosistemas de Montaña).

La Vallée du Rio Santa regroupant des villes de plusieurs dizaines de milliers d’habitants dont Huaraz (130 000 hab.) est une des zones les plus exposée aux aléas gravitaires car elle dominée par des massifs glaciaires de plus de 6000 mètres d’altitude (Huandoy - 6395 m, Huascaran - 6768 m et Huantsan - 6369 m). En juin 2023 et 2024, des campagnes de terrain ont été mené pour cartographier des paléo-évènements et collecter des échantillons en vue de leur datation par la méthode nucléides cosmogéniques (Plateforme GTC, ISterre).

Ces campagnes ont permis d’identifier de nombreux témoins géomorphologiques (blocs pluridécamétriques, coupes stratigraphiques, séquences lacustres, …) d’événements de magnitudes/volumes supérieurs aux avalanches historiques. L’existence d’un glissement de près d’un kilomètre cube (ou centaines de millions de m3) initié sur le piedmont et ayant modifié l’ensemble de la morphologie de la vallée a été aussi identifié.
Enfin, des évidences de catastrophes anciennes ayant affectées les populations ont été découvertes. Parmi ces éléments, des ruines précolombiennes recouvertes par des dépôts d’avalanches ont été découvertes, ainsi qu’en aval, un dépôt d’avalanche riche en céramiques et en débris d’os, suggérant un déplacement sur plusieurs centaines de mètres en fonction des directions d’écoulement. Ces investigations de terrain et les échanges avec S. Wagner (Archéologue, Wisconsin-Madison University), ont ainsi permis d’identifier un site d’occupation humaine ayant subi une catastrophe au moins analogue à celles observées au siècle dernier possiblement vieux de 3 000 à 4 000 ans au regard des céramiques retrouvées (culture Chavín).

La poursuite de cette étude va être réalisée à ISTerre, dans le cadre de la thèse de Ronald Concha dont le financement est assuré dans le cadre du programme France 2030 par le Projet ciblé IRIMONT du PEPR Risques (ANR-22-EXIR-0003) et le CNES.

<p>Bloc de granite dont la niche d'écroulement est visible sur le sommet nord de Huascaran © B. Lehmann</p>