Caractérisation du système d’écoulement à grande échelle des eaux souterraines dans des versants instable de marnes par observation et modélisation hydrochimique

Marc, V. (1), Cervi, F. (2), Bertrand C. (3) et Malet, J.P. (4)

(1) UMR 1114 EMMAH UAPV-INRA, 33 rue Louis Pasteur F-84000 Avignon
(2) Università di Bologna, Dipartimento di Ingegneria Civile, Chimica, Ambientale e dei Materiali (DICAM), Viale Risorgimento 2, 40136, Bologna, Italy
((3) UMR 6249 Chrono-Environnement, Université de Franche Comté, 16 route de Gray, F-25030 Besançon Cedex
((4) Ecole et Observatoire des Sciences de la Terre, Institut de Physique du Globe de Strasbourg, 5 rue Descartes, F-67084 Strasbourg Cedex

Dans les versants marneux susceptibles d’être instables, les questions de l’origine de l’eau et des modalités de la recharge sont primordiales car la présence de réseaux de discontinuités (fractures, plans de schistosité, etc) modifie les propriétés hydrologiques et hydrogéologiques de la roche. Deux versants de marnes très tectonisés (Draix et Super-Sauze) ont été étudiés par une approche hydrochimique afin d’appréhender l’hydrogéologie des marnes noires. L’eau souterraine a été échantillonnée à un pas de temps mensuel pendant plusieurs campagnes de prélèvements à partir d’un réseau de piézomètres et d’écoulements de surface. Des analyses géochimiques et minéralogiques ont été réalisées sur les matériaux marneux. A partir de ces données, une modélisation géochimique fondée sur une approche cinétique des interactions sol-eau a été effectuée à l’aide du modèle PHREEQC afin de comparer la chimie de l’eau observée avec les caractéristiques du réservoir. L’ensemble des données hydrochimiques et isotopiques collectées sur le terrain ainsi que la modélisation géochimique entreprise sur des eaux de lixiviation et sur les mesures in situ montrent que l’origine de l’eau de la nappe des glissements étudiés est complexe. Dans le cas de Super-Sauze, une recharge locale par les pluies dans la zone d’extension du glissement ne permet pas d’expliquer complètement la minéralisation des eaux et leurs caractéristiques isotopiques. La modélisation indique que la chimie des eaux peut être expliquée en grande partie par les interactions eau-roche au sein du régolithe marneux à partir d’une eau initiale qui est plus chargée que l’eau de pluie. Par ailleurs, la très forte anomalie en sodium dans la partie amont du glissement n’est pas compatible avec la nature des matériaux. Enfin, les données isotopiques montrent que l’altitude de la recharge à l’amont est bien supérieure à l’altitude de la partie supérieure du glissement. Tous ces arguments tendent à indiquer que l’origine de l’eau du système souterrain de Super-Sauze est à rechercher, au moins en partie, au-delà des limites topographiques du glissement. Dans le cas de Draix, l’hypothèse des teneurs anormales en sodium dans la rivière est qu’une faille majeure joue le rôle de drain et permet à des eaux profondes minéralisées de remonter vers la surface. Ces deux exemples illustrent l’action des systèmes hydrogéologiques régionaux à une échelle plus locale. Dans les deux cas, la marne en place qui constitue le substratum est intensément fracturée. La probabilité de l’existence ponctuelle de flux d’eau profonds vers la surface à la faveur de faisceaux de failles organisés n’est pas nulle. La présence de tels écoulements est un argument pour expliquer la fragilisation en profondeur des matériaux par altération chimique et action mécanique.