Observation et caractérisation des écroulements rocheux dans les parois à permafrost du massif du Mont Blanc

Ludovic Ravanel et Philip Deline

Laboratoire EDYTEM, Université de Savoie, CNRS, F-73376 Le Bourget du Lac Cedex

En haute montagne, les écroulements rocheux (volume ≥ 100 m^3) peuvent avoir des conséquences dramatiques sur les populations et les infrastructures. En raison d’un manque d’observations systématiques, leurs fréquence, volume et origine restent mal connus. En conséquence, la relation entre le climat et ce processus reste mal comprise. Depuis plusieurs années, nous mettons en œuvre dans le massif du Mont Blanc différentes approches complémentaires afin d’étudier cette relation. Pour documenter les écroulements actuels, un réseau d’observateurs (guides haute montagne, gardiens de refuge, secouristes) a été mis en place depuis 2007. La plupart des zones de départ des 242 écroulements survenus entre 2007 et 2011 (volumes ≤ 60 000 m^3) sont situées dans des secteurs à permafrost dit « chaud » (à température ≥ -2°C), particulièrement sensible au réchauffement climatique actuel. Par ailleurs, l’étude d’une image Spot à permis d’évaluer la fréquence exceptionnelle des écroulements (> 182) dans l’ensemble du massif pendant l’été caniculaire de 2003. Enfin, une douzaine de parois rocheuses à permafrost fait l’objet depuis 2005 d’un suivi topographique par lasergrammétrie terrestre qui permet de quantifier le volume rocheux total qui s’en détache annuellement, variable en fonction de l’altitude, exposition, pente et fracturation des parois. Pour documenter les écroulements passés, nous avons utilisé la photo-comparaison d’un vaste corpus de photographies de la face ouest des Drus et du versant nord des Aiguilles de Chamonix prises depuis la fin du Petit Âge Glaciaire (c. 1860). Elle a mis en évidence la forte corrélation qui existe entre les occurrences des 55 écroulements recensés et les périodes les plus chaudes depuis un siècle et demi, avec un maximum principal lors des deux dernières décennies (73 %) et un pic secondaire à la fin des années 1940 (9 %).